Gertrude Stein, T. S. Eliot and Fernando Pessoa in Three Modernist Portraits
Résumé
Cet article propose une analyse des modalités utilisées par les peintres pour dépeindre cet Autre à la fois familier et étranger qu’est la figure de l’écrivain. Il explore la manière dont la représentation de ces écrivains a pu inspirer aux artistes des réponses conceptuelles et visuelles particulières, dans le contexte culturel moderniste du XXe siècle. Le choix de trois peintres (Pablo Picasso, Wyndham Lewis, Almada Negreiros) et de trois écrivains (Gertrude Stein, T. S. Eliot, Fernando Pessoa) invite à une approche comparatiste : l’article s’emploie à tracer des parallèles entre des artistes et des écrivains européens de nationalité différente et en de nombreux points dissemblables ; les portraitistes et les écrivains envisagés ici ont partagé des liens humains forts mais parfois conflictuels. Les portraits étudiés se font le reflet de moments différents dans la carrière des artistes qui les ont réalisés et des écrivains qui y sont représentés. Cet essai montre que ces portraits ont pu influencer la réception des auteurs portraiturés mais qu’ils ont également pu avoir une incidence sur le style des écrivains ou des artistes visuels impliqués. Un tel dialogue intermédial se fait jour de façon évidente chez la talentueuse exploratrice du processus d’altérité qu’est Gertrude Stein. Plusieurs portraits d’elle – à commencer par celui réalisé par Picasso en 1906 – trouvent un écho dans ses portraits écrits, qui attestent également son intérêt pour l’écriture expérimentale. Dans le portrait qu’il peint de sa mécène parisienne – qu’il connaissait peu à l’époque –, le jeune Picasso rend hommage à l’écrivaine tout en frayant de nouvelles voies esthétiques. Trois décennies plus tard, le portrait apparemment satirique de T. S. Eliot réalisé par Wyndham Lewis en 1938 fait subtilement apparaître les tensions du modernisme tardif et suggère les différends idéologiques qui opposent Lewis à son ami de longue date. Dans les deux portraits posthumes qu’il a peints du grand écrivain moderniste portugais Fernando Pessoa (portraits qui datent respectivement de 1954 et de 1964), le peintre portugais José de Almada Negreiros donne, entre autres, une expression visuelle à l’admiration mêlée d’effroi que le poète depuis longtemps disparu lui inspire. À travers ces deux portraits de Pessoa, symétriques et subtilement différents l’un de l’autre, réalisés par le peintre vers la fin de sa carrière, Almada Negreiros semble être en quête de la reconnaissance esthétique qu’il n’a pas reçue de la part de Pessoa du vivant de ce dernier.
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