La dynamique des malentendus. Une étude comparée de la poésie persane traduite en anglais
Résumé
L’espace de la traduction, plus particulièrement celle de la poésie persane en anglais, est l’occasion de se pencher sur les malentendus dans le passage d’une langue à l’autre – des malentendus qui permettent néanmoins la circulation de métaphores et d’idées entre l’Angleterre et la Perse. Dès la fin du xviiie siècle, une vague de curiosité orientale s’empara de l’Europe. Les langues et la spiritualité asiatiques devinrent des objets d’étude. En Angleterre, la personne de Sir William Jones fut associée à la puissante société asiatique qui traduisit les premiers textes sanskrits. Il publia une grammaire persane en 1771, A Grammar of the Persian Language, accompagnée d’une traduction d’un poème de Hâfez xive siècle) intitulé A Persian Song. L’attirance pour la poésie persane redoubla avec la publication du West-Östlicher Diwan de Goethe en 1819. La période victorienne connut, par la suite, une vogue persane avec la traduction d’une sélection de quatrains d’Omar Khayyâm par Edward Fitzgerald en 1859, The Rubaiyat of Omar Khayyam. Enfin, les voyageurs britanniques en Orient se succédèrent et parmi eux, Gertrude Bell, proposa en 1897 une traduction d’une sélection de quarante-trois poèmes de Hâfez, Poems from the Diwan of Hafiz, qui fit date dans le monde des orientalistes. Les territoires anglais et persan peuvent être étudiés en éclairant tout particulièrement les moments de passage parfois très contrastés. Certains traducteurs comme Gertrude Bell et Sir William Jones transposèrent un genre poétique persan (le ghazal) selon les canons et catégories européens. D’autres, comme l’orientaliste Edward Fitzgerald, proposèrent une traduction inspirée sans se rendre en Perse. Les deux traductions anglaises d’un même poème de Hâfez, l’une par Sir William Jones et l’autre par Gertrude Bell, peuvent être mis en regard, et quelques quatrains de Fitzgerald étudiés, en mettant l’accent sur les divers degrés de malentendus dans le travail de ces traducteurs interprètes. Les images fantasmées de l’Orient occupèrent une place prépondérante chez les lecteurs britanniques qui, grâce à ces publications, virent leurs attentes comblées. Le processus d’altération des idées, entre le texte de départ et le texte d’arrivée, est l’occasion d’étudier le mode de circulation des idées dans une Angleterre aux visées impérialistes.
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