La construction du spectateur du film musical à l’époque de la reproductibilité technique (1902-1937)
Résumé
Le tournage d’images depuis la fin du XIXe siècle a permis d’enregistrer et de conserver des performances musicales dont l’intérêt social, culturel et historiographique s’est accru avec la consolidation du cinéma parlant. Les Phonoscènes (1902-1917) d’Alice Guy (1873-1968), les Phonofilms (1923-1929) de Lee de Forest (1873-1961) ou les films Vitaphone (1926-1932) ont tenté de reproduire l’expérience d’une performance
musicale réelle mais aussi sa réception par des spectateurs imaginaires.
Les développements techniques du son synchronisé ont permis de filmer des formations orchestrales comme celle avec Willem Mengelberg (1871-1951) aux studios d’Épinay-sur-Seine (Tobis Klangfilm, 1931), un document qui se présente comme une impression de la réalité d’un concert mais qui reconstitue la performance musicale à partir de différentes positions de caméra et inserts filmés ultérieurement. De la même manière, les interprétations musicales d’Ignacy Jan Paderewski (1860-1941) dans Moonlight Sonata (Lothar Mendes, 1937) sont le résultat d’une construction visuelle et narrative, typique de la société du spectacle, fondée sur des codes expressifs et de signification établie dans ce que Noël Burch appelle le mode de représentation institutionnel.
Au-delà de leur contenu documentaire et historiographique, ces films musicaux permettent d’apprécier les différentes étapes qui ont conduit à un changement de paradigme dans les processus de réception de l’interprétation musicale au sein du cinéma. L’utilisation des techniques cinématographiques dans le tournage musical a conduit à la construction d’un nouveau type de spectateur omniscient qui convenait à la fois aux
aspirations artistiques du cinéma et aux modes d’écoute issus de la tradition musicale d’Europe centrale.
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