Le mot comme stimulant de l’émotion : la perspective de Jean-Marie Guyau
Résumé
Si l’émotion aspire à se mettre en mots, cette tentative, pour ne pas dire cette tentation, peut-elle se réaliser sans sacrifier l’individualité de l’affect ainsi représenté ? On peut considérer que seul l’affect individué existe : c’est dans cette optique que Victor Hugo considère que l’émotion, « toujours neuve », se trouve incommensurable au langage. Friedrich Nietzsche estime encore qu’il y a toujours un écart entre les affects et leur énoncé. Pourquoi lire dès lors ? Et surtout pourquoi écrire, si l’auteur est voué à demeurer incompris, et qu’il conspire même à le demeurer ? Tout autre est la proposition de Jean-Marie Guyau: l’émotion, en son fonds, est impersonnelle et même éternelle. Si l’individu est bien unique, il est traversé par des puissances qui le dépassent et qui le relèvent même : les affects, à l’instar des idées et volitions, sont comme les ondes de la vie qui emplissent le sujet. Le discours ne peut plus dès lors être considéré comme la trahison de l’émotion, puisqu’il la partage et la peut approfondir, notamment par des moyens qui font de la suggestion le cœur de l’esthétique.
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