Pour une chôralogie de l’invention poétique
Resumen
Cet article se propose de situer dans la pensée platonicienne sur le devenir du monde matériel une origine importante du concept occidental de l’invention poétique. Dans le Timée, Platon présente la notion singulière de chôra, mot grec (χώρα) qui signifie à la fois terrain, territoire, pays, paysage, contrée, ainsi que matrice, mère, et nourrice, mais que la tradition philosophique traduit le plus souvent par lieu ou espace. Selon Platon, la chôra est le réceptacle « de tout ce qui naît », le phénomène au moyen duquel le plan intelligible de l’Idée prend forme sensible dans le domaine de la matière, le site non-situé où modèle devient monde. Puisqu’elle manque elle-même d’Etre et n’appartient ni à l’intelligible ni au sensible, la chôra relève de l’impensable. Elle n’obéit à aucune logique, ne participe d’aucune raison, et donc se constitue dans l’écart entre l’Idée insensible et sa forme matérielle. Aussi nécessite-t-elle un discours de mythe et de poésie pour expliquer la force génératrice qui la fonde : la chôra est elle-même poétique dans la mesure où, telle la poésie, elle exprime l’inexprimable. Le Timée permet de repenser les rapports entre textualité et spatialité d’une manière peut-être inattendue mais conforme au concept platonicien de chôra : plutôt que de s’imiter ou de se reproduire, l’écriture poétique et le monde matériel deviennent ensemble au moyen d’un principe tiers – Platon appelle la chôra « un troisième genre » – qui donne forme à des phénomènes à la fois sensibles et idéels.
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