Grivoiserie, lapsus et jeux de mots dans l’œuvre de jeunesse de Théodore de Bèze
Résumé
Théodore de Bèze est un auteur français néo-latin, c’est-à-dire un auteur de la Renaissance écrivant en latin, qui composa dans sa jeunesse, un recueil de poésie, les Juvenilia, édité en 1548, qui lui valut l’admiration de ses contemporains. Le recueil comprenait entre autres des Elégies et des Epigrammes. Théodore de Bèze était alors catholique, et sa conversion officielle au protestantisme à la fin de la même année ainsi que son départ de France pour l’Université de Lausanne où il fut nommé professeur de grec s’accommodaient mal de la légèreté de certaines pièces, ce qui explique qu’il renia ce recueil.
Dans les deux pièces que je me propose d’étudier, une élégie et une épigramme des Juuenilia de 1548, l’auteur se livre à des jeux sur les mots dont il ne livre les clés, sous la forme d’un « lapsus » ou d’une plaisanterie, qu’à la fin du texte. Le lecteur se voit alors contraint de comprendre que sa lecture initiale du poème était faussée, que le poète s’est joué de lui, et qu’en feignant de lui proposer une épigramme ou une élégie, il lui faisait en réalité lire un texte pour le moins égrillard. Ces deux pièces ont été supprimées dans les éditions postérieures de son œuvre, mais leur grivoiserie n’en est sans doute pas la seule cause.
En effet, l’espace du malentendu, du jeu de mot difficilement compréhensible, du lapsus, est pour l’auteur un moyen paradoxal d’affirmer son statut de démiurge de son propre texte, rejetant l’image d’un auteur inspiré ou patronné par une divinité. Il sera également intéressant d’étudier le rôle du malentendu entre l’auteur et son lecteur, qui me semble avoir pour but, là encore paradoxal, de susciter, en plus du rire dû à la surprise, une certaine connivence.
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