Le malentendu, œuvre de civilisation. Nouvelle approche psychanalytique du mythe de Caïn et Abel

  • Brigitte Donnet-Guez Université de Lorraine, LIS EA 7305
Mots-clés: Psychanalyse, Jacques Lacan, Sacrifice, Caïn et Abel, Loi

Résumé

. Freud a interrogé l’inconscient à partir du langage et en est venu à proclamer que « le moi n’est pas maître en sa propre demeure ». La question du langage est donc au fondement même de la psychanalyse. Lacan, poursuivant l’approche freudienne, assure que ce n’est pas seulement la censure d’un désir mais l’inconscient, lui-même structuré comme un langage, qui empêche de parler clairement. Le malentendu devient alors d’ordre structurel et cette question traversera toute l’œuvre de Lacan. Mais qu’en est-il lorsque même les mots ne peuvent se dire, lorsque le signifiant ne fait plus trou dans le réel du corps ? A ce moment-là l’ordre du symbolique, celui du langage et de la loi, est exclu et le sujet reste dans l’imaginaire, suspendu au Réel de sa jouissance. C’est ce qui va se passer pour Caïn, dans le fameux épisode biblique (Gn 4) où il tue son frère Abel. Caïn tient son nom de la toute-puissance maternelle : « J’ai acquis un homme avec Dieu ». Le traumatisme est alors total pour Caïn lorsque Dieu refuse de considérer son offrande alors qu’il agrée immédiatement celle de son frère. Dans ce vécu de l’instant traumatique, le Réel fait irruption, hors-langage : il tente de dire et rien ne se dit, ne peut donc être inter-dit. Dans cette annihilation de son être, il passe à l’acte et tue son frère. Pourtant bien que puni, il continuera à vivre sous la protection divine, marqué cette fois d’un signe, d’une lettre, à comparer au codicille. Pris sous la barre du signifiant, il pourra enfin s’ouvrir au mal-entendu, et l’accepter. Sans malentendu, il n’y aurait pas d’altérité. L’impossibilité structurelle d’être bien-entendu incite alors à dire autrement et ouvre à son propre désir. Tel est peut-être l’enseignement de ce mythe fondateur, faisant œuvre de civilisation puisque Caïn engendrera un fils qu’il nommera Hanokh – Eduqué, et bâtira une ville qu’il baptisera de ce même nom.

Publiée
2016-09-01
Comment citer
Donnet-GuezB. « Le Malentendu, œuvre De Civilisation. Nouvelle Approche Psychanalytique Du Mythe De Caïn Et Abel ». Savoirs En Prisme, nᵒ 05, septembre 2016, p. 193-12, doi:10.34929/sep.vi5.132.